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Le maître des illusions de Donna Tartt

4 Mai 2019

Le maitre des illusions

Donna Tartt

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Alien

Plon

Paru en 1993 puis en 2014 pour la version poche

789 pages en poche

 

 

 

Dionysos [est] le maître des illusions, capable de faire pousser une vigne sur la planche d’un navire, et en général de faire voir à ses fidèles le monde tel qu’il n’est pas. ( E.R. Dodds. The Greeks and the Irrational )

 

Ce livre traîne sur mes étagères depuis 3 ans, depuis ma lecture du Chardonneret, mais je craignais de l’en extraire, à cause de sa taille, je l’avoue. Ma seconde semaine de vacances, j’ai attrapé la bête, j’en ai lu les deux premières pages, et j’ai très vite compris que j’aurais beaucoup de mal à le lâcher.

L’épilogue commence sur l’assassinat d’un dénommé Bunny.  Nous retrouverons ce moment au milieu du livre, à la fin de la première partie qui relate les événements qui ont mené à cet acte atroce. La seconde partie développe la suite, l’après-meurtre…  Je n’ai pas du tout envie de raconter l’histoire parce que je n’en connaissais rien, m’étant tenue éloignée de tout résumé, et c’est bien mieux ainsi, l’émerveillement cauchemardesque n’en est que plus puissant. Ceux ou celles qui déflorent l’histoire ne se rendent pas compte à quel point ils peuvent gâcher la lecture des futurs lecteurs.

Il m’a été très difficile d’arrêter la lecture de ce pavé. Les pages s’enchainaient à une vitesse hallucinante. Dans un état presque second j’ai suivi les personnages et notamment Richard, le narrateur qui fait tout pour ferrer son lecteur, avec ses brèves remarques sur l’avenir, sur ce qu’il ne savait pas encore. Le choix de ce narrateur est pour beaucoup dans la réussite de ce roman magistral, il ne sait pas tout, il est l’intrus, l’élément extérieur, il est aussi le déclencheur du drame, malgré lui.

La construction du roman est remarquable. Donna Tartt prend son temps pour camper ses personnages (ils n’ont commencé à avoir une consistance qu’au bout d’une centaine de pages, voire plus), elle joue avec ses lecteurs, les emmène où elle veut, pas forcément là où ils avaient envie d’aller.

Les cinq personnages principaux ne sont guère attachants, ils sont riches (sauf le narrateur) égoïstes, pervers, féroces, prétentieux, lâches, alcooliques et malgré tout, je les ai suivis de mon plein gré, avide de connaître le déroulement de l’histoire. Ils se révèlent plus dans leurs actes que dans la description de leur psychologie. On ne connaît presque rien de leur passé. Ils sont atypiques dans leur comportement, loin de notre monde, perchés dans leur univers éthéré. Des personnages de tragédie.

Un petit bémol cependant, j’ai repéré quelques lourdeurs de style (la traduction peut-être ?) mais sur presque 800 pages, on peut excuser ces petites faiblesses.

J’avais déjà été éblouie par Le chardonneret, là, j’ai été fascinée.

 

Certaines choses sont trop pénibles pour être appréhendées sur le coup. D’autres encore – nues, grésillantes, d’une horreur indélébile – sont trop terribles pour être admises. Ce n’est que plus tard, dans la solitude, le souvenir, que pointe la compréhension ; quand les cendres sont froides, que les affligés se sont retirés, qu’on regarde autour de soi pour se retrouver – à sa grande surprise – dans un monde entièrement différent.

Il a ouvert son lexique et s’est mis à chercher sa marque. « Il ne convient pas de s’effrayer de ce dont on ne sait rien. Vous êtes comme des enfants qui ont peur du noir. »

 

Et une participation de plus pour le challenge d’Antigone.

40 commentaires
  1. Je n’ai pas été conquise par Le Chardonneret, trop long, j’avais un peu de mal à m’y retrouver mais je n’étais pas très disponible à l’époque (ceci explique cela peut être) par contre on me dit souvent que le Maitre des Illusions est meilleur….. Merci pour ta chronique qui le confirme 🙂

  2. il m’attend sur une étagère depuis 1 an ou 2 aussi et c’est le volume imposant qui me freine,
    ta chronique va me booster pour l’ouvrir enfin…
    Je n’ai pas encore lu « Le chardonneret  » non plus 🙂

  3. Je l’ai lu à sa sortie pour le Prix des Lectrices de ELLE 1994 (!) et je m’étais laissé emporter aussi ! Par contre je n’ai pas du tout aimé Le petit copain .

  4. Moi, c’est Le chardonneret qui a beaucoup attendu sur mes étagères, et finalement j’avais été déçue … Alors que, comme toi, je n’avais pas lâche ce titre ! Complètement prise par l’engrenage, malgré les lourdeurs, effectivement. Mais il y a une telle énergie dans la construction de l’intrigue !

  5. Ma lecture de ce roman a été un rendez-vous raté, quelque chose n’a pas pris… je me suis ennuyée, je l’ai trouvé trop long, malgré ses qualités…

  6. keisha41 permalink

    Je n’ai lu que le Chardonneret (excellent, quelques longueurs cependant)

  7. aifelle permalink

    Je n’ai rien lu de cette auteure et je ne me sens pas particulièrement tentée. Le nombre de pages peut-être .. et les longueurs.

    • Le nombre de pages peut rebuter, effectivement. On ne peut pas être tenté par tous les livres qui paraissent et heureusement !

  8. Comme toi j’ai été fascinée par le Chardonneret et je me suis juré de lire son premier roman… mais là, tu m’as devancée. Comme elle sort un roman tous les 10 ans je vais essayer tout de même de le lire avant le prochain 🙂

  9. J’ai aimé le Chardonneret et le maître des illusions. J’attends son prochain roman avec impatience !

  10. Je l’ai noté depuis longtemps, je pense que les avis sont assez unanimes !

  11. Le chardonnet m’était apparu longgg donc franchement, j’hésite beaucoup à relire cet auteur

  12. luocine permalink

    je le dis souvent , le suspens n’est pas du tout mon fort. J’aime savoir la fin d’un roman avant de le lire, je savoure alors la construction. Je n’osais pas le dire et puis un jour, j’ai appris que je n’étais pas la seule dans mon genre. En revanche je respecte les goûts des autres et je ne divulgâche jamais la fin des romans sur mon blog.Tout cela pour dire que si ce gros roman tient ses qualités d’un suspens bien mené cela ne suffira pas à m’attirer vers lui
    PS quand je vois le plaisir des enfants à qui l’on raconte encore et encore la même histoire, je me dis que j’ai gardé mon âme d’enfant. Ils attendent avec la même impatience la fin qu’ils connaissent par cœur.

    • Ce n’est pas du tout un livre à suspense puisqu’on connait la fin dès la première page, et le livre explique comment on en est arrivé là puis comment la suite a été gérée. En revanche, moi, personnellement, j’aime ne quasiment rien savoir d’un livre que je veux lire, c’est pour cette raison que je saute les résumés dans les critiques bloguesques pour juste connaître l’avis sur le livre.

  13. alexmotamots permalink

    Toujours pas lu cette auteure….

  14. Je l’ai trouvé bien long ce Maïtre des illusions et je me suis peu attachée aux personnages.

  15. Ce livre est dans ma wish-list depuis des années! Mais qu’est-ce que j’attends!?

  16. Je suis tellement contente de lire ce billet. Ce roman m’a marquée et fascinée, rien de moins. Il y a peut-être des longueurs, mais pour ma part, je voulais tellement que ça continue que ça ne me dérangeait pas. Je sors toujours de cette lecture (parce que oui, je le lis souvent, je suis d’ailleurs en train de le lire en espagnol) complètement désabusée… et j’aime ça.

  17. J’ai lu ce livre à sa première sortie en poche (ça fait un bail) et complètement adoré… pfiou

  18. Je me souviens très bien de ma lecture de ce roman : j’étais à Bangkok et j’en garde le souvenir d’une lecture sombre.

  19. Tu m’intrigues… je n’ai encore jamais lu cette auteure.

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