Aller au contenu principal

L’hôtel de verre de Emily St. John Mandel

22 juin 2021

L’hôtel de verre, Emily St. John Mandel, traduit de l’anglais (Canada) par Gérard de Chergé, Rivages/noir, 2021, 397 pages


Ecrirai-je, n’écrirai-je pas ? Tout le long de ma lecture qui fut, je dois le dire d’emblée, irrégulière, parfois captivante mais parfois laborieuse, je me posais cette question. Ce livre a été, généralement, apprécié et là, je me sens un peu seule… comme Walter dans son hôtel…

De quoi parle ce roman ?

« Et si vous avaliez du verre brisé ? » Ces mots ont été tracés au marqueur à acide sur la paroi transparente de l’hôtel Caiette au nord de l’île de Vancouver. On y accède qu’en bateau et seuls de richissimes clients y séjournent. Ce graffiti est bien vite masqué mais quelques personnes ont eu le temps de le lire, dont Vincent, une jeune femme (oui, oui, une femme…) qui travaille au bar et dont le demi-frère travaille aussi dans l’hôtel. Ce message était destiné, visiblement, au milliardaire américain Jonathan Alkaitis…

Ce roman fourmille de personnages qui se croisent, ou pas, qui ont, en tout cas, un point commun, c’est d’avoir rencontré Jonathan Alkaitis, celui qui va bouleverser leurs vies et même la détruire. Seule, Vincent, va réussir à s’en sortir, même si les premiers mots du roman qui sont aussi les derniers évoquent sa disparition.

« Commençons par la fin : je dégringole du pont du navire dans les ténèbres tempétueuses, le souffle coupé par l’effroi de la chute, ma caméra s’envolant sous la pluie… »

Alors qu’est-ce qui a coincé ?

J’ai commencé la lecture de ce roman avec enthousiasme, j’aimais l’ambiance, un peu sombre, un peu étrange, Vincent et son demi-frère Paul étaient des personnages auxquels je m’attachais, fragiles, profondément marqués par ce qu’ils avaient vécu dans leur enfance.

Et puis, on a perdu Paul pour se centrer sur Vincent qui vivait ses années « conte de fées » auprès du fameux financier Jonathan Alkaitis. Ensuite, on a perdu Vincent, pour s’attacher à Alkaitis, qu’on a lâché pour se rapprocher de Leon Prevant et d’autres…

En fait, je n’avais pas toujours envie de suivre la piste que m’imposait l’auteure. Seulement voilà, ce que je ne savais pas, c’est que cette piste-là était la principale, celle autour de laquelle tout tournait. (L’auteure s’est inspirée d’une histoire réelle, l’affaire Madoff). Je ne le voulais pas parce que je ne m’y attendais pas et parce que j’avais envie de savoir ce qui était arrivé à Paul, ce qu’il était devenu. J’avais perdu Vincent pendant quelques pages, et j’étais heureuse de la retrouver… En fait, je crois que, dès qu’on me parle finance, je ferme les yeux et les oreilles.

Ce roman est un puzzle, dont les pièces ne s’imbriquent pas toujours très bien. On en perd quelques-unes en route, et pas toujours celles qu’on souhaite.

Comment peut-on tout perdre en quelques minutes ? C’est un des sujets du roman. Et comment se reconstruire à partir de là, si certains penchent pour le suicide, d’autres essaient de trouver une alternative, une autre manière de vivre, comme Leon Prevant.

Comment vivre avec une culpabilité logée au fond du cœur ? C’est ce que ressent Paul qui a réussi à percer dans le monde musical grâce aux films qu’il a subtilisés à Vincent.

Comment vivre sa vie d’homme privé de liberté, incarcéré dans une prison pour un nombre incalculable d’années ? En imaginant une contrevie. En côtoyant les fantômes.

Le gros atout de ce roman, c’est l’absence de manichéisme, les personnages ont tous leur côté sombre et leur côté lumineux. De chacun, il y a quelque chose à tirer.

Pour conclure, je reste dubitative. J’ai énormément aimé le début, la fin (superbe), certains passages hypnotiques, mais je me suis ennuyée aussi, parfois, trop souvent à mon gré. Je n’ai pas retrouvé le souffle de son roman précédent, Station Eleven, qui m’avait tant emportée, ou, si je l’ai retrouvé, ce n’est qu’à certains moments.


Antigone n’a pas été convaincue par le scénario trop décousu.

 Electra a « été happée par l’histoire, par la profondeur des personnages, par leurs pensées, leurs doutes. »

Pour Kathel, « L’écriture et la construction très subtile constituent une belle manière de parler d’un sujet plutôt rébarbatif. »

Léa n’a pas eu le coup de cœur parce qu’elle a trouvé « certaines parties moins captivantes que d’autres » mais elle l’a apprécié quand même.

Pour Nicole, c’est « du grand art ». La virtuosité de l’auteure « se révèle dans toute sa splendeur avec ce récit fragmenté, sorte de puzzle d’éclats de verre aussi tranchants que réfléchissants. »

Sunalee a été aspirée par ce roman et a eu du mal à le quitter.

34 commentaires
  1. Les bibliomaniacs en ont parlé récemment dans un podcast en bien mais, comme toi, les sujets autour de la finance ne m’intéressent pas car souvent complexes et horripilants….mais elles avaient bien aimé je crois.. les avis son très partagés … Au moins il fait débat 😉

    • Le roman n’est pas complexe quand il s’agit de finances, mais j’avoue ne pas avoir été passionnée par certains aspects.

  2. Je suis pourtant assez allergique au monde de la finance, eh bien, ce roman est bien passé, sans coup de coeur, mais je l’ai lu sans décrocher, et ai aimé cette construction en forme de puzzle.
    Merci de nous avoir laissé la parole à la fin de ton billet ! 😉

    • Je devrais le faire plus souvent, j’aime bien mettre les avis des autres… Mais je suis paresseuse, et je ne cherche pas toujours les liens…

  3. keisha41 permalink

    Avec Station Eleven, j’avais bien accroché au début, puis (si tu l’as lu) on partait plus tard, ailleurs, et là j’avais lâché! On dirait qu’elle fait de même ici?

    • Ah oui ? Moi, j’avais accroché à fond jusqu’au bout. Ici, c’est différent, ce sont les personnages qu’elle suit ou qu’elle abandonne.

  4. Je n’ai jamais lu cette auteure mais Station Eleven me semble une meilleure option pour la découvrir.

  5. luocine permalink

    on peut ne pas être très sensible aux problèmes apportés par la finance et aimer les romans qui en parlent. L’affaire des subprimes a mis tant de gens dans la misère que j’ai fini par lire et essayer de comprendre ce qui s’est vraiment passé les livres m’ont aidée.

    • En général, je fuis les romans qui en parle, comme je fuis les romans d’espionnage, parce que je n’y comprends pas grand-chose.

  6. uneviedevantsoi permalink

    Je n’ai jamais lu cette auteure et j’ai souvent hésité à lire celui-ci, mais à te lire, il n’est pas pour moi j’ai l’impression.

  7. Station Eleven ne m’avait pas convaincu, alors ce que tu dis de celui-ci ne me tente.

  8. Et quelques mois plus tard je n’ai pas changé d’avis, mais tout l’équilibre de ce livre (et c’était déjà un peu le cas dans Station Eleven) tient dans la liberté que prend l’auteure avec la temporalité, elle étire le temps, le renverse, propose des espaces parallèles… je comprends tout à fait les reproches que l’on peut lui faire. Pour moi c’est effectivement du grand art et je suis fan 🙂

  9. Trop de perles m’attendent c’est donc sans regret ! ^^

  10. C’est en effet un puzzle, mais j’ai été happée par l’atmosphère – j’ai adoré !
    (et en même temps, il y a plein de livres que je lis, ou même que j’abandonne, que d’autres lecteurs/lectrices adorent, c’est justement très bien d’avoir des avis différents, de comprendre ce qui a pu bloquer la lecture.)

  11. au final tu en parles très bien!

  12. Il est dans ma PAL. Je le regarde de loin, sans trop oser l’approcher. Une sorte d’appréhension?
    J’ai lu Station Eleven avec délectation. Pourtant, j’ai quasiment tout oubli, ce qui n’est pas bon signe…
    La construction astucieuse, bien ficelé, certes. Mais est-ce suffisant? Ce roman me semble plutôt frustrant, non? De perdre Paul, puis Vincent… C’est dommage, non?
    Tout ça pour dire que je ne suis pas prête de me lancer… Une sorte d’appréhension, te disais-je!

    • On perd surtout Paul, pendant presque tout le roman, on ne le retrouve qu’à la fin, parce que l’auteure nous fait suivre une autre piste, le fameux financier et ceux qu’il a arnaqués… Moi, j’ai trouvé ça dommage, mais c’est parce que j’attendais autre chose et je ne connaissais pas du tout le thème du roman.
      Mais peut-être te plaira-t-il ? C’est possible… Je ne sais pas… Bon, je saurai attendre le moment où tu te décideras à le lire.

  13. Je suis pour le coup assez d’accord avec ton avis, cette impression en début de lecture de quitter une piste de narration vers une autre moins intéressante. J’ai regretté également de perdre Paul.

  14. A_girl_from_earth permalink

    J’avais tellement adhéré à Station Eleven que je n’ose encore m’aventurer dans un autre roman de l’auteure, de peur de ne pas y retrouver tout ce qui m’y avait enthousiasmée.

  15. Je vais me fier à ton avis et passer la route. D’autant plus que comme toi, je suis hermétique à la finance !

  16. Le côté ennuyeux fait que je risque de le laisser tomber. Je passe mon tour pour ce titre !

  17. J’ai tout lu de cet écrivain. En commençant par Station Eleven que j’avais trouvé très beau, presque mystique.
    Je pense aussi que par moment l’histoire devient confuse; on ne sait plus qui fait quoi et les changements de lieux et d’époque n’aident pas à s’y retrouver.
    Parmi les autres romans de cet écrivain je vous conseille « Dernière nuit à Montréal », c’est l’histoire d’une quête obsessionnelle sous forme de road-movie.

Trackbacks & Pingbacks

  1. L’hôtel de verre, Emily St. John Mandel – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

Répondre à krolfranca Annuler la réponse.