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Sur les ossements des morts d’Olga Tokarczuk

2 mars 2020

Sur les ossements des morts

Olga Tokarczuk

Traduit du polonais par Margot Carlier

Editions Noir sur Blanc

2012

298 pages

 

 

 

J’ai lu ce roman avec un sourire continu au coin des lèvres. Le ton est donné dès la première phrase :

« Je suis à présent à un âge et dans un état de santé tels que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d’aller me coucher, au cas où l’ambulance viendrait me chercher en pleine nuit. »

Il est atypique, léger et profond. Le personnage principal, que d’aucuns prennent pour une folle, nous donne à voir sa vision du monde et des hommes. Et c’est assez cocasse.

Cependant, Janina Doucheyko, la narratrice, m’a perdue de temps en temps lors de ses digressions astrologiques. Et j’avoue que certaines répétitions m’ont quelque peu lassée. Mais globalement, j’ai aimé cet univers étrange, j’ai pris mon temps pour le lire, j’y retournais toujours avec plaisir, même si je ne pouvais pas avaler trop de pages les unes après les autres.

La narratrice est érudite, intelligente, elle n’est pas du tout la timbrée que les gens de son village veulent voir en elle. Elle aide, notamment, un de ses anciens élèves à traduire les poèmes de William Blake. Mais elle a une obsession : la défense animale et dès lors, tout ce qu’elle entreprend tourne autour de cela. C’est le genre de personnage qui marque, que l’on n’effacera pas comme ça de sa mémoire. Son excentricité prête à sourire et à réfléchir. Elle ne peut laisser le lecteur indifférent.

[…] un écrivain dépouille la réalité de ce qu’elle contient de plus important : l’indicible.

Volontairement, je n’ai pas encore parlé des morts, ces hommes retrouvés dans des sales postures dans la forêt, parce que je m’en fichais de savoir qui les avait tués, j’avais bien ma petite idée sur la question mais ce qui m’intéressait le plus était la manière dont la narratrice présentait les événements, avec son humour noir. Il ne sert donc à rien de classer ce roman, policier ou non, peu importe, il a un ton, à lui seul, incomparable, et c’est en cela qu’il est séduisant.

Sur ce plateau, proche de la Tchéquie, où seulement trois personnes vivent en hiver, au milieu de la neige qui bloque l’accès principal aux maisons, le rapport à la nature est singulier. Ce qui génère quelques passages intéressants et magnifiques.

« Des nuages bas et sombres n’avaient cessé de défiler dans le ciel toute la journée, pour finalement, tard dans la soirée, frotter leur ventre mouillé contre les collines. »

« L’hiver commence juste après la Toussaint. C’est ainsi. L’automne reprend alors ces outils et ses jouets, décroche les feuilles- elles ne seront plus d’aucune utilité – les balaie à la lisière des champs, puis retire ses couleurs à l’herbe, qui devient grise et terne. Ensuite, tout se voit noir sur blanc : les terres labourées se couvrent de neige. »

« Les mercredis de janvier, à sept heures du matin, on voit bien que le monde n’a pas été créé pour l’homme, et certainement pas pour son confort et son plaisir. »

« En contemplant le paysage noir et blanc du plateau, j’ai réalisé combien la tristesse était un mot important dans la définition du monde. Elle se trouve à la base de tout, elle est le cinquième élément, la quintessence. »

Un roman à découvrir pour ceux qui ne connaîtraient pas et moi je vais continuer ma lecture de cette auteure polonaise.

Marilyne et Edyta ont aimé aussi.

Et ainsi je participe pour la première fois au mois de l’Europe de l’est organisé par Eva, Goran et Patrice.

 

47 commentaires
  1. Décidément! Olga Tokarczuk se retrouve aussi chez Ingannmic, mais pour un autre titre. Je suis d’autant plus intriguée…

  2. aifelle permalink

    J’ai l’intention de le lire, surtout depuis que j’ai vu le film qui en a été tiré « Tableau de chasse ».

    • Ah ? il faudrait que je recherche ce film.

      • aifelle permalink

        Passé à la télé récemment. Ça doit être une adaptation assez libre, mais l’actrice principale est très bonne et ça donne je pense une idée de l’ambiance générale.

      • Ah oui passé à la télé ? Bon, comme je ne la regarde jamais je ne risquais pas de le voir… Je vais bien le trouver quelque part.

  3. Ah un bon souvenir de lecture! (j’en ai lu trois de l’auteur;..)

  4. « atypique, léger et profond »… : voilà qui résume parfaitement tous les titres que j’ai lus de cette autrice. C’est aussi avec ce titre que je l’ai découverte, et je ne le regrette pas, j’avais beaucoup aimé, notamment cette ambiance étrange, inclassable, mais au fur et à mesure que j’en lis d’autres, mon admiration pour elle grandit, en même temps que mon plaisir de lecture !

  5. La couverture attire l’œil 😉 je note, merci !!

  6. Je suis en train de lire « Dieu, le temps, les hommes et les anges »… en parallèle avec une autre lecture, je prends mon temps, mais j’aime de plus en plus.
    Je ne savais pas qu’un film avait été tiré de celui-ci. Je le note, en tout cas, pour la suite ! 😉

  7. Ah, un beau souvenir de lecture, Janina à été mon héroïne de l’année 2019 :). C’est un univers cette auteure, fascinant. Je ne regrette d’avoir lu celui ci en premier, il me semble que  » Dieu, les anges, le temps et les hommes  » va plus loin, on y retrouve toutes les qualités de Sûr les ossements des morts. Merci pour le lien.

    • Je lirai aussi Dieu, les anges, le temps et les hommes. Ton héroïne 2019, ça ne m’étonne pas, c’est un sacré personnage !

  8. luocine permalink

    J’ai adoré cette lecture mon billet viendra plus tard mais je trouve que tu racontes bien l’humour du texte que j’avais un peu oublié.

  9. Les avis enthousiastes se multiplient, il faut absolument que je découvre Olga Tokarczuk, avec ce roman-là ou n’importe quel autre !

  10. décidément l’auteure fait des émules ces derniers jours 🙂 il est temps que je fasse sa connaissance 🙂

  11. Je l’avais déjà repéré ! Il ne me reste plus qu’à le lire 🙂

  12. Tout ce que j’aime en ce moment.

  13. alexmotamots permalink

    Comme je ne connais pas, je note ce titre. Merci.

  14. J’avoue que je l’ai laissé en cours de route, je m’y ennuyais un peu, peut-être pas le bon moment…

  15. Patrice permalink

    Tres joli billet ainsi de très beaux extraits qui incitent à découvrir l’univers de l’auteure.
    Si tu le souhaites, n’hésite pas à participer via cette lecture à notre mois de l’Europe de l’Est, qui se déroule au mois de mars, en mentionnant le lien en bas de ton article.

  16. A_girl_from_earth permalink

    Je suis une des rares à ne pas avoir eu un franc enthousiasme pour ce roman mais j’en garde un souvenir de lecture sympathique tout de même.

    • Tu as peut-être remarqué les quelques bémols que j’ai eus aussi, mais globalement, ça reste un texte qui marque.

  17. je ne connaissais pas, mais je pense que j’aimerais faire la connaissance de cette Janina ! Je note !

  18. J’avais oublié l’humour noir du personnage …. Mais c’est vrai qu’on a le sourire aux lèvres pendant cette lecture et jusqu’à le fin : bien fait pour les méchants ! Cet univers est étrange, mais fascinant et encore davantage dans  » Dieu, les anges, le temps et les hommes » qui est un roman vraiment extraordinaire !

  19. Bonsoir Krol, un roman que j’ai énormément aimé. Le personnage de Janina est exceptionnelle. Je suis contente que rien de grave ne lui arrive. Je n’avais pas forcément deviné qui était le responsable des morts. Olga Tokarzuk sait très bien raconter une histoire avec une pointe de fantastique et pas mal d’humour. Bonne soirée.

  20. Je l’ai en attente sur mes étagères. Donc je ne lirai pas ta chronique. Le seul titre que je connaissais de ceux mentionnés. Franchement je suis plus au courant de rien.

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