Pleine terre de Corinne Royer
Pleine terre, Corinne Royer, Actes sud, août 2021, 332 pages
« Alors, il a dit, T’as déjà vu une éclipse ? Eh bien c’est ça, la mélancolie, c’est la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière, la mélancolie, c’est la nuit en plein jour. C’est pas de moi, il a ajouté, c’est dans un livre, La Folle Allure, ça s’appelle. »
C’est noir, c’est sombre et ça n’ouvre pas grand la porte sur l’espoir. Sentiment renforcé lorsque l’on apprend que l’auteure s’est inspirée d’un fait réel. Là, ça nous glace les sangs. On aurait préféré que cette histoire soit sortie toute entière de l’imagination d’une auteure. C’est donc possible dans notre si belle société française de vivre des choses pareilles !
Alors oui, bien sûr, c’est largement romancé, Jacques Bonhomme est une création de Corinne Royer, et grâce à la magie de ses mots et à une construction qui oscille entre narration des faits, introspection et témoignages, elle donne à son personnage principal une dimension quasi mythologique. C’est un colosse, ce Jacques, un colosse avec un esprit et un cœur plus gros que le corps.
Certains passages saisissent par leur simplicité et leur puissance évocatrice.
« Elle a compris que le malheur cognait à la porte quand Arnaud a commencé à geindre en chuchotant le prénom de Jacques. Il la connaît bien, la porte des Odouard, le malheur. Sur le seuil, il se sent comme chez lui. Il frotte ses pieds sur le paillasson, il entre, il prend ses aises. Pour un peu, on lui mettrait une assiette à la table du salon. »
Corinne Royer dénonce aussi. Les aberrations d’un système, l’effondrement d’un monde rural pilonné par une politique toujours plus déshumanisée, l’incohérence des décisions.
« Alors il en parlerait, de ces fameuses règles, des normes de qualité, des précautions environnementales, du bien-être animal, des conditions sanitaires. Il dirait le gazage des cochons dans les fosses à CO2, les autorisations données à la ferme des mille vaches, l’horreur de l’élevage intensif avec son lot exponentiel de vaccins et d’antibiotiques, la multiplication des épidémies favorisées par l’absence d’aération et la standardisation des espèces, les expériences conduites sur les vaches à hublot, les poussins mâles entassés sur des tapis roulants puis broyés vivants dans un mixeur, les veaux volontairement anémiés pour obtenir une viande plus blanche. Et comment Nestlé, pour fabriquer sa purée Mousseline bio dans la Somme, allait chercher ses pommes de terre en Allemagne sans se soucier de l’empreinte carbone. C’était donc ça, les pratiques de l’agriculture moderne auxquelles on lui demandait de se conformer, les règles à respecter ? »
Il y a un peu de lyrisme à la Franck Bouysse dans certains passages, mais aussi des phrases simples qui donnent des images puissantes, des diatribes contre la réglementation qui étouffe les petits agriculteurs. C’est un roman qui fait mouche, qui touche et donne à réfléchir. J’ai beaucoup aimé.
Je l’ai abandonné. Je ne m’attachais pas du tout au personnage principal et je m’ennuyais. Pourtant au départ, le thème m’attirait beaucoup, mais ça n’a pas marché.
Oh ! Bah ça alors…
à voir qi je le trouve à la bibli!
Effectivement, moi je l’ai emprunté à la bibliothèque.
Hum, je viens de lire Mohican, rural aussi, moins noir je suppose, mais ça ira comme cela, sur le thème.
Ah oui on ne peut pas lire tout le temps sur le même thème, il faut varier les plaisirs.
Je le garde à l’esprit, cela m’intéresse, d’autant que c’est inspiré d’un fait réel qui a eu lieu dans ma région, je crois…
Ah ? Je ne sais pas de quelle région tu es…
J’habite en Bourgogne (mais n’en suis pas originaire)
Un bon bouche-à-oreilles pour ce roman depuis sa sortie… mais je ne sais pas pourquoi je n’ai toujours pas envie de le lire. Peut-être parce que j’ai vu beaucoup de reportages, lu beaucoup d’articles sur le sujet…
Parfois on ne souhaite pas lire un roman dont on parle beaucoup. Peut-être un jour, ou jamais…
Il est dans ma liste d’envies, à voir si l’envie sera toujours là quand je passerai aux achats (quand ma PAL sera raisonnable….) en tous les cas je n’en lis que du bon à droite et à gauche 🙂
Oui, les critiques sont plutôt bonnes.
déjà que novembre est une période très compliquée pour moi, et je ne suis pas la seule dans ce cas, je me vois mal aller vers ce roman .
Je peux comprendre…
Il semble ne remporter que des éloges, en tout cas.
Il a de quoi !
Je partage ton enthousiasme pour ce roman percutant.
Je suis ravie !
Généralement, quand Krol a beaucoup aimé, je sais ce qu’il me reste à faire!
Oh… ça ne fonctionne pas à tous les coups… mais souvent, c’est vrai !
Tu as raison, un roman qui donne à voir le monde paysan et à réfléchir.
Nous sommes d’accord.
Pas pour moi, ce roman me boufferait trop le moral. En plus, je sors tout juste d’un roman d’un pessimisme total.
Ah oui ça plombe !
Hum, cela fait plus envie que ton avis sur le Dalembert !
C’est vrai… Ca va crescendo… le prochain billet sera un coup de cœur.
les extraits ne me tentent pas du tout, du coup je passe mon chemin sans regret
Ah oui, si les extraits ne te parlent pas, autant laisser tomber…
Il est dans notre étagère et attend le moment propice pour être dégusté. Je me souviens d’avoir lu un autre livre de Corinne Royer ; il m’a fallu un peu de concentration à cause du style mais je l’ai pas regretté !
Je vois que nous avons un avis un peu divergent sur ce livre :-). Heureux qu’il t’ait davantage plu qu’à moi 🙂
Bonjour Krol, j’a trouvé ce roman sensationnel. J’ai adoré l’écriture. L’histoire n’est pas gaie certes mais un roman à lire pour le personnage et tous ceux qui gravitent autour de lui. Corinne Royer arrive à ne pas tomber dans le misérabilisme. Un roman lu en trois jours. Je l’ai trouvé passionnant. Bonne après-midi.
Je me souviens que c’est le fermier chez lequel je faisais mon stage de Bac pro agricole, en 2018, qui avait attiré mon attention sur le « fait divers » d’origine…
Dans le roman, j’ai davantage apprécié la description des situations réalistes que les côtés introspectifs ou plus frictionnels rédigés par l’auteure. Mais bon!
Je me disais que je mettrais bien ce roman à disposition dans le « système de prêt » de l’AMAP dont je fais parte, mais, vérification faite, il figure déjà dans le « fonds », depuis février 2022!
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola