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L’arbre monde de Richard Powers

11 août 2019

L’arbre monde

Richard Powers

Traduit de l’anglais par Serge Chauvin

Le Cherche Midi

Septembre 2018

550 pages

 

 

 

Ce roman que tant de lecteurs ont encensé… je l’ai lu.

Je m’attendais à autre chose, à un roman moins éclaté, et moins axé sur les actions revendicatrices des personnages.

J’ai d’abord été surprise par ces neuf histoires qui ouvrent le roman pendant environ cent cinquante pages (quand même !), qui n’ont rien à voir les unes avec les autres si ce n’est qu’elles ont pour point commun l’arbre (j’ai beaucoup aimé la première histoire, celle de Nicolas Hoels !). On se dit bien que les personnages se rencontreront (ou pas) à un moment donné, pour une cause commune, mais il tarde tant cet instant, que je me suis un peu essoufflée. D’autant plus que ces «nouvelles» occupent une trop grande partie du roman et je me demandais vraiment où voulait en venir l’auteur. Et puis j’ai bien regretté de l’avoir lu sur liseuse parce que le retour en arrière est compliqué et cela m’aurait bien dépannée de me replonger dans les premières histoires pour la suite, ayant oublié des éléments assez importants.

C’est donc mon premier bémol.

J’ai aussi été surprise par le parti pris du romancier de focaliser une grande partie de son roman sur l’écologisme extrémiste. Je m’explique avant que tout le monde ne me tombe dessus. J’ai trouvé que l’ouvrage était trop tourné vers les hommes et leurs actions écolo-terroristes et pas assez sur l’arbre et sa substantifique sève. Et lorsqu’il évoquait la nature, c’était de manière parfois trop didactique à mon gré. On sait depuis un moment que les arbres communiquent entre eux, qu’ils se protègent l’un l’autre…  et j’aurais aimé en savoir davantage.  C’est d’ailleurs l’histoire de Patricia Westerford qui m’a le plus intéressée en tant que scientifique qui étudie les arbres et leur développement, c’est peut-être les seuls passages où il m’a semblé apprendre quelque chose.

« Mais une autre de ses données lui contracte la chair : des arbres plus éloignés, épargnés par l’invasion grouillante, érigent leurs propres défenses quand leur voisin est attaqué. Quelque chose les alerte. Ils ont vent du désastre et ils se préparent. »

Alors, bien sûr, j’ai aimé le passage où les deux personnages vivent dans l’arbre pour éviter qu’on ne vienne l’abattre. J’ai suivi avec plaisir la vie de ce jeune indien tombé d’un arbre, devenu handicapé, créateur informaticien de génie, et sa prise de conscience à l’âge adulte de ce qui est important pour les hommes. Chaque personnage a une motivation propre, une histoire personnelle intense. Je me suis demandé ce que venait faire dans ce roman choral le couple qui n’aura pas d’enfant mais qui plante un arbre à chaque anniversaire de mariage, c’est l’histoire que j’ai le plus survolée.

Le point fort de ce roman ce sont les personnages, aux caractères bien trempés, chacun à leur manière, ils ont une vraie profondeur, une vraie densité. Mais il y en a trop. Une ou deux « nouvelles » en moins n’auraient pas nui au roman. Pourtant, l’auteur sait ferrer son lecteur, il crée une dépendance à ses personnages, on a envie de les retrouver (enfin, euh…  sauf certains…), on a envie de vivre leur évolution, de voir le changement opérer en eux. Leurs racines sont leurs fondations, comme tout un chacun. Mais les relations qu’ils vont tisser, les diverses orientations de leurs vies vont leur permettre de grandir à l’instar des arbres qui s’épanouissent dans un milieu favorable.

L’atout de ce roman est la prise de conscience qu’il suscite chez le lecteur qui ne regardera plus jamais un arbre de la même façon, fasciné qu’il sera par l’espoir qu’il porte en lui.

 

 

41 commentaires
  1. C’est un des romanciers qu’il faut que je découvre. Je crois que j’ai déjà un livre de cet auteur dans ma PAL

    • J’ai aussi Le temps où nous chantions que je dois lire… un jour.

      • Je suis justement en train de lire Le temps où nous chantions, qui est vraiment excellent (ample, profond et passionnant)… j’avais noté cet Arbre monde, mais ton billet me ferait presque hésiter !

      • Oh mais dis donc tu enchaînes les pavés à une allure vertigineuse ! Mais comment fais-tu ? Tu ne dors pas ?

      • Oh mais je l’ai entamé il y a un petit moment, et je ne l’ai pas encore fini… Et mon temps de trajet maison-travail (en transport en commun) est assez long pour me permettre d’avaler quelques dizaines de pages par jour !

  2. J’ai adoré Le temps où nous chantions, et un peu moins deux ou trois autres romans de l’auteur lu ensuite… Quant à L’arbre-monde, il est dans ma PAL de bibliothèque, et sauf incompatibilité manifeste, je devrais le lire ! 😉

  3. alexmotamots permalink

    Un auteur avec lequel je n’accroche pas, pour le moment.

  4. auteur à découvrir en ce qui me concerne… Pourquoi pas 🙂

  5. Autist Reading permalink

    Tu es la première que j’entends émettre quelques réserves sur ce roman… et pour avoir lu quelques romans de Powers, je vois bien ce qui t’a gênée. Cet opus est dan ma PAL et, gardant ton avis en tête, je sens qu’il va falloir que je me le réserve quand je serais 100 % dispo.

    • Bah oui, je suis toujours étonnée lorsque je ne ressens pas l’enthousiasme général à la lecture d’un roman.

  6. Mior permalink

    Bonjour K.rol 😉
    Contrairement à toi , j’ai adoré les 180 premières pages, justement ! Quel talent pour « croquer » un personnage , ce qui le fait courir, ce qui le résume, de quoi il sort … Et puis on comprend vite qu’ils vont se croiser, tous ces personnages, et c’est super excitant de s’imaginer comment , puisqu’ils viennent d’horizons si différents ! A contrario j’ai parfois peiné dans la suite , trop longue et bavarde à mon goût . Cela dit, je l’avais lu en septembre dernier je crois, et j’en ai gardé un souvenir vif. C’est toujours bon signe , ça …
    Ps : le temps où nous chantions est probablement le meilleur Powers ….ne te laisse pas impressionner par le pavé 🙂

    • Hello ! Je lirai Le temps où nous chantions… à des prochaines vacances ! Il est épais et j’ai un peu peur des longueurs, d’autant plus que j’en ai ressenti les mauvais effets dans celui-ci, pourtant plus court. Et je suis d’accord avec toi, la suite aussi je l’ai trouvée longue par moments, surtout lorsqu’il s’agissait de certains personnages qui ne m’intéressaient guère.

    • D’accord avec Mior: « le temps où nous chantions », grâce auquel j’ai découvert Powers est un roman incroyable qui regroupe des dizaines de thèmes, la filiation d’un couple mixte étant un des principaux. Du coup je ne manque pas un livre de cet auteur. Par moment difficile à suivre parce que très documenté scientifiquement. « Générosité » est un des plus aisé, il me semble. « L’Arbre Monde » m’a enchanté. Il faut toujours s’attendre à des digressions sur les sujets scientifiques, mais jamais je n’ai été indifférente à ses propos dans chacun de ses livres.

      • Merci pour ton commentaire. Avec tous ces avis, je ne manquerai pas de lire Le temps où nous chantions !

  7. A_girl_from_earth permalink

    Je crois que ce n’est pas un auteur pour moi. Je vois beaucoup de monde encenser Le temps où nous chantions et moi il m’a laissée de marbre (de mémoire… Je l’ai lu il y a un sacré bout de temps). Je ne pense pas tenter l’expérience de L’Arbre monde, même si ça vaut certainement le détour malgré tout. J’ai trop d’autres tentations…:)

    • Ah… tu me refroidis là. Je vais laisser passer un peu de temps pour découvrir ce pavé qui traine sur mes étagères depuis bien longtemps.

  8. aifelle permalink

    Il est dans ma PAL depuis que j’ai rencontré l’auteur l’an dernier, au festival America. Je sens qu’il va me falloir de la disponibilité et je préfère attendre encore un peu.

  9. Tu as les défauts et les qualités de Powers; c’est touffu et lyrique

  10. mon avis rejoint assez le tien, j’ai adoré adoré certains passages, d’autres m’ont complètement perdue voire ennuyée… c’est fouillis fouillis quand même.

    • Oui, nous avons ressenti à peu près la même chose, je crois. C’est ce que je me disais en lisant le roman.

  11. Trop de personnages, besoin de retours en arrière pour se remémorer certains détails…Ce livre ne semble pas être pour moi… je passe.

  12. Je t’encourage à sortir Le temps où nous chantions qui est une vraie pépite! J’ai adoré L’arbre-Monde mais je comprends tes bémols par rapport à ces neuf histoires.

  13. Ariane daphné permalink

    Cela fait déjà un moment que je veux le lire mais ce n’est toujours pas fait. A la rentrée, peut-être.
    Daphné

  14. Justement, j’ai vu l’expo « Nous les arbres », et du coup ta critique a pris un autre sens.

  15. luocine permalink

    j’ai tellement adoré « le temps où nous chantions » mais ce que tu dis me refroidit un peu à propos de ce gros roman que j’avais envie de lire.

  16. Patrice permalink

    Ah, que je suis heureux de découvrir ta chronique. J’ai abandonné la lecture de ce livre vers le milieu et je cherchais des avis de blogueurs pour confirmer/infirmer mon ressenti. Je te suis complétement. J’attendais beaucoup de ce livre et c’est une grande déception malgré, comme tu le signales, de très beaux passages au début du livre ou sur Patricia.

    • Et bien nous sommes d’accord ! Et pourtant, j’en ai lu des articles louant ce livre de manière dithyrambique…

  17. Je suis en train de le lire. J’ai bien aimé la première partie même si à la fin elle est un peu longue. J’ai trouvé les personnages sympathiques et originaux. La suite me semble un peu trop pleine de bons sentiments. Ce qui m’intéresse le plus c’est ce que j’apprends sur les arbres et du coup cela me donne envie de lire La vie secrète des arbres.

  18. Je ne me souvenais plus que tu avais été déçue… Je suis d’accord sur le fait que certains personnages étaient dispensables (mais pas forcément les mêmes que toi, je te rejoins pour le couple, mais je n’ai pas aimé les parties avec l’indien informaticien) mais j’en ai tellement aimé d’autres (oui, Patricia, et Nick) et le propos m’a tellement émue que j’en suis ressortie en larmes… il faut dire que je suis dans une période « écolo-vindicative » (le contexte, sans doute : Black Friday, Noël qui s’approche, avec sa frénésie consumériste, le « green washing » étatique (planter de nouveaux arbres quand on continue de détruire les anciens…). Bon, le but n’était pas de m’épancher, j’arrête, bonne soirée 🙂

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