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L’inconnu de la poste de Florence Aubenas

11 mars 2021

 

L’inconnu de la poste

Florence Aubenas

Éditions de l’Olivier

2021

236 pages

 

 

 

Mais pourquoi ai-je lu ce livre ?  Je ne m’intéresse jamais aux faits divers dans les journaux, je ne lis quasiment pas de polar, cette non fiction centrée sur une enquête policière à propos d’un crime non élucidé, n’avait donc rien pour m’attirer… Sauf qu’elle est écrite par Florence Aubenas dont j’ai énormément aimé Le quai de Ouistreham et dont j’ai écouté une interview (j’ai d’ailleurs acheté son livre le lendemain).

Florence Aubenas pourrait raconter un match de foot, je serais capable d’adorer… J’aime son écriture maitrisée. C’est une conteuse passionnante.

Dans le village de Montréal-la-Cluse, Catherine Burgod a été tuée à coups de couteau dans le bureau de poste où elle travaillait. Dix ans d’enquête, des rebondissements, une disparition, mais toujours pas de coupable avéré.

Florence Aubenas va mener son enquête, va recueillir les témoignages des uns et des autres. Un travail de reportage minutieux. Mais pas seulement. Elle va s’attacher à montrer que chaque personnage affronte la catastrophe à sa manière, avec ce qu’il est, son passé et son présent. Tintin, Rambouille, le père de la victime, le fameux Thomassin, les femmes de la poste et d’autres, sont les héros ordinaires de cette macabre histoire. Les faits ne sont pas intéressants s’ils ne sont pas sous-tendus par une volonté de comprendre. Florence Aubenas est humaine, elle ne nous raconte pas un crime, elle nous raconte la vie. Elle nous montre que tout est une histoire de confrontation.

Alors bien sûr, on pourrait parler longtemps de ce personnage autour duquel tout tourne, ce Gérald Thomassin, cet acteur atypique, qui dépense l’argent qu’il gagne lors de ses tournages, immédiatement après, comme s’il lui brûlait les mains, qui occupe tout l’espace, et qu’elle a pourtant su laisser à sa juste place, pour faire la part belle à tous les autres… avec leurs doutes, leurs craintes, leurs questions.

Ce qui m’a passionnée dans ce livre, c’est le travail d’écriture. Elle ne qualifie pas son travail de « littéraire » et pourtant, c’est bien de la littérature qu’elle produit là. Dans son interview, elle dit qu’elle a « ramé pour l’écrire », et tant mieux, parce que le résultat est saisissant. Elle ne fait pas un simple travail d’investigation, elle va plus loin que ça, elle brosse le tableau d’une France rurale et ouvrière, elle s’immisce dans le monde des marginaux, elle peint une ambiance. Les protagonistes de l’histoire ne sont pas seulement les gens réels dont on a abondamment parlé dans les journaux, ils deviennent des personnages incarnés, elle fouille leur monde intérieur. Elle leur rend justice en les faisant vivre sous sa plume.

Florence Aubenas réussit ce tour de force qui consiste à garder la bonne distance, à relater un fait divers, en y mettant tellement d’humanité que le lecteur a l’impression de lire un roman.

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38 commentaires
  1. Je survole ton billet car je viens de me l’acheter. Il a tout pour me plaire celui-ci!

  2. aifelle permalink

    Je vais l’emprunter dès que possible à la bibli. Je ne suis pas friande de faits divers moi non plus, mais ce genre de livre va plus loin. Ta lecture me fait penser à « un crime sans importance » d’Irène Frain qui m’a passionnée alors que j’avais d’abord dit qu’il ne m’intéressait pas.

  3. J’ai du mal à suivre en ce moment, en ce qui concerne les achats et les lectures de nouveautés ! Mais ce livre ne va pas se périmer, et j’ai bien l’intention de le lire. Pour moi, Florence Aubenas, c’est le top du journalisme littéraire.

  4. keisha41 permalink

    J’ai préféré le quai de ouistreham et le livre d’Irène Frain. J’ai eu l’impression de longueurs, et j’aurais aimé voir un peu plus F Aubenas en enquête. Elle parle de pensées de certains, comment l’a-t-elle su? OK je devine. Dans Le quai, elle était plus présente.
    Mais il faut le lire, mêem si ça laisse un goût amer, cette vie de Thomassin, et la mort de cette postière…

    • Elle était plus présente dans Le quai parce qu’elle faisait partie intégrante de son reportage. Elle a voulu faire différemment ici et je trouve que c’est plutôt réussi.

  5. Je le veux !! Comme toi, une interview de l’auteure, dont j’ai récemment lu -et aimé- Le quai de Ouistreham, m’a fait très envie. Et bien que je ne sois pas non plus une accro des faits divers, je trouve que c’est un « matériau » que savent très bien exploiter certains auteurs pour en faire de la littérature, comme tu l’écris. Je pense notamment à Jaenada, ou au « Laëtitia » d’Ivan Jablonka, qui autour d’une affaire sordide anime tout un monde que l’on n’a pas souvent l’occasion de côtoyer dans les livres, cette jeunesse anonyme et silencieuse de la France périphérique.

    • Oui tu as raison, mais contrairement à Jaenada avec La serpe ou encore Carrère avec L’adversaire, elle ne se met pas en scène, elle n’est que celle qui conte, et elle le fait si bien.

  6. Je ne suis pas fan des faits divers et comme toi je ne lis pas de polars mais je l’ai vue et écoutée à la Grande Librairie et cela m’a donné très envie d’autant plus que ce crime reste un mystère… Et si en plus c’est bien écrit ❤️😉

  7. Il m’attend 😉

  8. j’hésitais et pourtant son passage à LGL entre autres m’avait donné envie de le lire…Et je me souvenais très peu de ce fait divers…
    Les critiques sont assez positives dans l’ensemble alors je le note pour plus tard…

  9. Je suis fan de l’écriture et du regard de Florence Aubenas même si je ne lis pas forcément ses livres, par contre je lis depuis très longtemps ses articles et reportages, d’abord pour Libé puis au Monde.

  10. Il doit arriver chez moi dans le courant de la semaine prochaine. Je me réjouis à l’avance de le lire! Et si je partage ton enthousiasme, je mettrai par la suite la main sur Le quai de Ouistreham! C’est pas mal, ça, non?!

  11. luocine permalink

    je ne lis également que peu de romans polars et les faits divers m’ennuient souvent, pourtant ce que tu dis de ce roman m’attire. Car je crois que si on se penche sur l »ordinaire » on peut atteindre la dimension humaine qui m’intéresse.

  12. De l’excellent journaliste, toujours à dimension humaine. Dans le genre, en anglophone, je garde un grand souvenir de  » L’affaire de road hill house  » de Kate Summerscale.

  13. Je n’ai lu que Le quai de Ouistreham, et je dois avouer que je ne lui avais pas trouvé de qualités littéraires.

  14. Delphine Olympe permalink

    C’est évidemment le travail d’écriture et tout ce qu’il révèle qui est intéressant lorsqu’on s’empare d’un fait divers. Tout ce que j’ai entendu jusqu’à présent et auquel s’ajoute ton billet m’inciterait évidemment à me tourner vers le travail de Florence Aubenas… n’était une pal vertigineuse que je vais dans un premier temps m’efforcer de réduire…

  15. J’avais beaucoup aimé Le quai de Ouistreham. J’étais plus dubitative pour celui-ci mais ton avis m’incitera à le lire.

  16. je suis comme toi, passionnée par ce que raconte cette journaliste, je vais donc essayé de le lire … reste plus qu’à mettre la main dessus et à trouver le temps !

  17. Comme toi j’ai aimé « le quai de Ouistreham et tout comme toi j’ai écouté une interview de l’autrice qui m’a donné envie de découvrir ce roman. Tu confirmes qu’il faut le lire, une raison de plus pour moi.

  18. Je ne l’ai jamais lue! Lequel me conseillerais-tu?

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